Le Paris Mouffetard Musette dans "Ils chantent ensemble pour oublier les tracas".

Le Parisien du 17 novembre 2009 : Nouvelles recettes du bonheur

Il paraît que quand les photographes cherchent un sourire, c’est ici qu’ils viennent. Au quartier Latin, à Paris, la chorale musette qui se retrouve rue Mouffetard tous les dimanches matin est au moins source de joie, sinon de bonheur. Jeunes, vieux, enfants, bobos, bourgeois ou SDF informés du phénomène sont visiblement contaminés : ça chante, ça danse comme au 14 Juillet et il n’est pas 11 heures. II suffit de peu : trois accordéons, des vieilles chansons françaises, une sono, un micro et une vingtaine de joyeux drilles qui dispensent une énergie bénéfique au moral.

« Qu’est ce qui vous ferait plaisir ? » interroge à la cantonade Viviane, réplique de Piaf, écharpe boa et collants bordeaux, prof d’allemand et chanteuse pour le Petit Bal. D'un sourire, d'une main qui bat la mesure, elle envoie "Julie La Rousse" : « Moi, le bonheur, c’est mon truc. Grâce à la musique, on peut montrer son espoir; explique-t-elle. Les gens préfèrent les chansons gaies, plutôt Y'a d’la joie que Que reste-t-il de nos amours, ça leur fait oublier le quotidien et la solitude. Sur les airs connus, ils chantent à deux, trois, c’est vivant ».

Dans la troupe, Stéphane est de ceux qui invitent les filles du public à danser, la main galante et le sourire franc. Dans la vraie vie, ça va pas fort, il est au RMI.    « Quand on le croise dans la rue avec ses enfants, il a l’air triste. Ici, il revit », racontent ses compagnons.

Parmi les spectateurs, Joe, 72 ans, joviale, a aussi ses chagrins. Une bonne raison d’être ici. La chorale se met à Venez Milord, toutes les lèvres suivent.    « Les vieux airs, ça me déstresse, c'est du plaisir. Le bonheur, c’est aussi la nostalgie, j’adore Jean Drejac. il a compose Le Ptit vin blanc. A la maison. mon mari est malade, chanter ça me réconforte ». Elle scrute ses petits bonheurs partout, les gosses qui dansent à ses pieds, le parterre de fleurs. « Regardez ces couleurs, on a de la chance d’être là ».

Yonnel, 44 ans, habite le coin avec ses deux fillettes, il vient prendre sa dose. « Le chant et la danse sont des adoucisseurs de moeurs, ils créent une émotion collective. On est dans le partage. Je chante faux mais ca fait du bien ». Sentir la chaleur, avoir la pêche, chaque mot pour dire combien la musette enchante l’âme.

Une internationale de la félicité avec des chants kabyles, du sirtaki, des « O Sole Mio », du tango, du gospel de toutes les couleurs faits pour tous les étrangers qui vivent là ou qui y transitent.

« A chaque fois que je reviens en France, je passe ici. La chanson française est reine pour parler de bonheur », assure Héléna, anthropologue russe. « Chez vous, l’optimisme est une valeur, comme s'il existait un devoir d’être heureux ».  L’accordéoniste, Christian Bassoul, cheville ouvrière du Petit Bal, sait de quoi il retourne : casquette et foulard rouge, vingt ans qu’il entraîne sa bande d'optimistes, faite de comédiens, profs ou psy dans cette sarabande. « Quand je ne suis pas là, les gens n’ont pas leur compte. Ca les rend tristes ». confesse-t-il.

Heureux, il se contente d'un studio qui surplombe Mouffetard.

Rue Pascal (Paris V), Dimanche. La troupe du Petit Bal a déserté la rue Mouffetard le temps d'une brocante, mais les amateurs ont su les trouver pour chanter et danser accompagnés à l'accordéon par Christian Bassoul.