Christian Bassoul vu par Anne Taverne dans "Télérama".

Casquette vissée sur sa crinière grisonnante, foulard rouge à la Gavroche et sourire de titi ravageur, Christian Bassoul, 53 ans, appartient à Mouffetard comme la tour Eiffel au Trocadéro. Le temps de remonter sa rue, et hop, un p’tit bonjour au cordonnier, la bise à la fromagère et trois tapes dans le dos en vingt mètres ! C’est que depuis plus de vingt ans, chaque dimanche durant le marché, Christian fait chanter et danser le pavé du quartier de la Mouffe.

Installé au pied de l’église Saint-Médard avec sa boîte magique - deux baffles d’autoradio montées sur un Caddie - il sème les paroles de chansons françaises et égrène Les roses blanches ou Sous les ponts de Paris sur son accordéon. Eté comme hiver, les têtes tournent, les jupes s’envolent et les cordes vocales se dénouent ! Ça vous a un p’tit air de rue Cama !

La musique lui est tombée dessus à 20 ans, alors qu’il s’installait à Nice pour faire des études. II découvre le baroque, et s’essaie aussitôt à la viole de gambe. Puis au violon, à la mandoline, au trombone à coulisse, à la guitare, au piano... Monté à la capitale, l’homme-orchestre devient professeur d’anglais et violoniste du métro : "Les autres musiciens me surnommaient Vivaldi ! “.

En 1990, l’exposition Manet, au Grand Palais, l’aide à remplir son chapeau d’artiste : devant la queue interminable des visiteurs, Christian joue inlassablement le Concerto en la mineur de l’auteur des Quatre Saisons. Il réalise alors son rêve : s’envoler pour New York. Il y restera quatre ans. Mais les Américains ne gouttent pas outre mesure la musique française. Christian rentre alors rue Mouffetard et continue d’espérer une vraie reconnaissance, pour ses écrits, ses compositions.

Un copain lui prédit : "Toi, tu perceras dans le ringard ! ”. Beau joueur, il assume au moins la bonne humeur qu’il partage avec les habitants du quartier. Le secret de la sienne ? Dans sa piaule truffée d’instruments, il écoute sans fin Rire et chansons.

“Parfois la nuit j’écoute une blague, je me marre, et je me rendors”. Puis le dimanche revient. Alors, il transbahute ses cartons de paroles de chansons sur le parvis de l’église, et en avant la musique ! L’accordéon, il l’a appris avec Marcel Azzola, l’accordéoniste de Brel. Alors, chauffe Christian, chauffe !